Il y a peu de temps j’ai dû subir une légère intervention et en attendant mon tour sur un brancard devant le bloc opératoire j’avais une place de choix pour observer le personnel soignant.
Il y avait des allers-retours incessants et seuls les personnels qui devaient s’occuper de moi m’ont octroyé un regard. Tous les autres, m’ignoraient au point même que j’ai pu suivre une conversation personnelle téléphonique durant de longues minutes…
Mais ce qui m’a le plus interpellé c’est la conversation entre 2 infirmiers sur leurs conditions de travail et les exigences de leurs employeurs qu’ils subissaient. La conversation s’est terminée par cette phrase :« Moi, lorsque je rencontre une jeune fille qui me dit qu’elle veut devenir infirmière, je l’en dissuade et lui dit de bien réfléchir ! » Que se passe t- il pour que ce métier ne fasse plus rêver … ?
Au fil des années d’exercice j’ai effectivement vu et subi une détérioration des conditions de travail et d’exercice de notre métier, aussi bien à l’hôpital qu’en libéral. Et cela ne date pas d’hier.J’ai quitté le milieu hospitalier en 1990 devant une frustration incessante de ne pouvoir soigner les patients comme je l’entendais, c’est-à-dire en leur octroyant du temps.
J’ai alors choisi l’exercice libéral. D’année en année les tâches administratives ont pris de plus en plus de place au détriment des soins. Nos journées de travail se sont allongées, sans pour autant augmenter nos revenus. En parallèle les charges n’ont cessé d’augmenter.
Pour autant j’ai toujours gardé l’envie de soigner. Je me disais que nous, infirmière, nous étions un maillon essentiel dans la chaîne des soins et que nous devions aussi nous remettre en question pour nous adapter à l’évolution de la médecine. J’ai suivi de nombreuses formations pour évoluer. J’ai eu la chance de rencontrer des collègues médecins qui me faisaient confiance et nous travaillons en bonne intelligence. Nous faisions de la collaboration bien avant qu’elle ne soit reconnue comme telle et conseillée.
Mais je ne peux que constater que, malheureusement, les tutelles sont frileuses, elles nous promettent monts et merveilles avec des nouveaux rôles, mais en regard,nous méprisent, en ne mettant pas les moyens financiers pour accompagner cette évolution. On demande toujours plus, pour toujours moins…
Voilà pourquoi les soignants sont à bout et désertent de plus en plus les structures. Le secteur libéral n’est pas en reste, beaucoup de professionnel se demandent si cela vaut le coup de continuer une activité. La vie professionnelle est des plus prenantes, parfois au détriment de la vie personnelle. Plus grave, les soignants ont le sentiment d’une moindre considération des patients, qui en situation de stress lié à la maladie sont de plus en plus exigeants et de moins en moins tolérants : quelle infirmière n’a pas eu à subir la colère d’une personne pour 5 minutes de retard ?
Nous constatons au quotidien que la médecine fait des progrès considérables avec des prises en charges de plus en plus complexes et techniques mais de plus en plus déshumanisées.
Le sourire et la bienveillance qu’attend le patient devient absent et les premiers à en souffrir sont les soignants eux-mêmes qui ne retrouvent plus de sens dans leur mission. Prendre une main, faire un sourire pour rassurer et accompagner. La plupart c’est pour cela que nous avons choisi ce métier.
Je suis d’un naturel optimiste alors je me dis que nous allons, je l’espère,trouver une solution pour que les métiers du soin se recentrent sur la personne et non sur la rentabilité des actes. La santé a certes un coût mais à quel prix pour les soignants. Chacun en tant que citoyen doit réfléchir aux services de santé qu’il souhaite avoir dans le futur.
C’était pour une fois, un billet d’humeur devant la lecture d’un article d’une nouvelle agression d’une collègue en Occitanie…
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